Christine – La dame de fer đŸ“· âœ…

de la grille en fer…

18 Janvier 2013
Dans mon « fort » intĂ©rieur, je la surnommais: Christine la mexicaine au poncho, un soir au clair de lune…

“ Et ce matin, j’ai vĂ©rifié  lĂ -bas, Ă  l’entrĂ©e du Jardin des Plantes : Elle n’est plus lĂ , Christine.”

Phrase d’un internaute qui a beaucoup apprĂ©ciĂ© le film et fait plusieurs pages de blogs au moment de la sortie d’ABDM dans les salles oĂč j’apprends qu’il Ă©tait restĂ© presque 30 semaines Ă  l’affiche du cinĂ©ma « Espace Saint Michel » en 2014. J’ai dĂ» l’accompagner deux cent fois lors de cinĂ© dĂ©bats dans toute la France et je parlais trĂšs souvent d’eux avec le public qui a toujours voulu savoir ce qu’ils devenaient. Aujourd’hui encore, on me demande, une fois par semaine, des nouvelles de nos amis.

 Ce film, leurs visages, leurs histoires nous ont tous marquĂ©. 

Je crois que c’est en avril 2013 que Christine est entrĂ©e dans le long parcours/processus de sortie de rue. Une amie, Florence, bĂ©nĂ©vole de la Croix Rouge lui demandait une fois de plus, un soir de plus, avec routine comme pour dire « bonne nuit et Ă  la prochaine »: -“Vous venez avec nous”?, se dirigeant dĂ©jĂ  vers le camion pour partir en voir d’autres, aprĂšs avoir passĂ© un long moment avec elle, depuis 7 ans dĂ©jĂ , chaque semaine.

– “Oui”, elle a rĂ©pondu oui, demi-tour, elle n’en croyait pas ses oreilles
 Alors, elle lui a expliquĂ© par quoi cela passait et ça a marchĂ©. Elle a retrouvĂ© en partie sa famille et heureusement, nous n’avons plus entendu parler d’elle Ă  cet endroit
 Certains en sortent. 

Le Pictorium – 24 novembre 2011
25 Septembre 2012 – Christine, 7 ans de rue – La mexicaine qui vit sous son pancho, depuis deux ans grille du jardin des plantes, Ă  Paris. _ https://www.cohen-cohen.fr/au-bord-du-monde-le-livre

Au dĂ©but du tournage, nous sommes allĂ©s avec l’équipe Claus et Nicolas vers Austerlitz oĂč j’avais dĂ©jĂ  rencontrĂ© plusieurs personnes vivant dehors. À Elle, je ne lui avait jamais parlĂ©e, je la voyais se tordre et s’emmitoufler sans vraiment connaitre son visage. C’est ça qui me bouleversait Ă  ce moment-lĂ , que j’avais photographiĂ©.
Nous avions pris un peu de temps Ă  savoir comment l’approcher et lui demander de participer et se laisser filmer. Claus y est allĂ©, avec ma recommandation habituelle et reflex de derniĂšre seconde: “surtout: accroupis-toi tout de suite!”… DĂ©jĂ  que mon gaillard est grand mais pas que: il l’aurait fait et le faisait comme moi tout naturellement, ne jamais prendre ces ni personnes « de haut »: toujours se mettre Ă  la mĂȘme hauteur, mĂȘme pour un simple bonjour.

C’est aussi un territoire aux dĂ©marcations invisibles chez eux, la journĂ©e nous n’en voyons pas les frontiĂšres distinctement et passons rapidement dans ces endroits oĂč ils vivent 24/24h et nous traversons sans savoir Ă  la fois la cuisine et le salon
 la salle de bain. L’intimitĂ© devient difficile lorsqu’on a plus de chez soi.

_ https://www.cohen-cohen.fr/au-bord-du-monde-le-livre Ils s’endorment et tombent dans le sommeil tĂŽt et se lĂšvent avant le petit matin, lorsque l’étal de la nuit s’est installĂ©. Ne les rĂ©veillez pas, c’est si difficile de s’endormir lĂ  dehors…

Un battement de coeur, comme une goutte de sang… dont le bruit goutte Ă  goutte peut-ĂȘtre une torture…

Ce quartier, nous l’avons beaucoup arpentĂ©, Ă©cumĂ© durant cette annĂ©e 2012-2013.
Les proches voisins Jean-Michel, Wenceslas vivaient juste Ă  cĂŽtĂ©, Ils se connaissent de vue et sont parfois prĂ©sents les uns pour les autres en cas de coups vraiment durs (comme une agression nĂ©cessiterait). Mais ils ne se parlent pas forcĂ©ment au quotidien, c’est le cas pour les ADF (avec domicile fixe). C’est une des ambivalences de la misĂšre et de la grande exclusion qui parfois a ou n’a pas besoin de compagnie, mĂȘme chez les grands isolĂ©s. Chacun chez lui.

4 Octobre 2012 _ https://www.cohen-cohen.fr/au-bord-du-monde-le-livre

Je ne le savais pas au dĂ©but mais lorsqu’un film marche, on le voit souvent. je pense que Claus est celui qui a dĂ» le voir le plus. Certains passages ou moment nous hantent un peu. Concernant Christine ce sont de ses mots qui ont beaucoup raisonnĂ©, comme ceux d’une des bandes annonces:

-« Qu’est-ce que vous faites quand vous avez froid? »

– « Je grelotte. »

…et –“Je ne sais pas comment faire pour appeler au secours!”… 

– « La rue c’est comme la fin de vie. »

Christine, avec sa forte personnalitĂ© nous a tenu un discours poignant, noble et trĂšs digne qu’ aurait pu nous conter une Marguerite Yourcenar ou Duras… je me rappelle que des spectateurs me disaient cela
 

12 Juillet 2012 – Le Pictorium
11 Octobre 2012 – Le Pictorium

La dame de la grille de fer

Une nuit d’orage, j’étais passĂ© la voir en avance, seul, nous nous donnions rendez-vous avec Claus les soirs en semaine aprĂšs le dernier mĂ©tro lorsque le dernier parisien est rentrĂ© chez lui
 Vers 3h du matin, je les trouvais souvent rĂ©veillĂ©s dans le calme de la nuit sans la bande passante des passants et du brouhaha pressĂ©. Je l’ai vue capituler devant cette pĂ©nible averse, elle chantait Ă  tue-tĂȘte pour se donner du courage, un torrent. Elle s’est levĂ©e pour aller se mettre quelques moments Ă  l’abri. J’ai moi aussi abdiquĂ©, il y avait trop de flotte.

Le Pictorium

Ce blog n’est pas ce que vous trouverez forcĂ©ment dans le livre ni dans le film qu’il vous faut voir. C’est un moyen pour moi de parler d’eux Ă  nouveau. Parfois de raconter ce qu’ils deviennent et mes pensĂ©es du moment face Ă  mes souvenirs de cette pĂ©riode oĂč j’arpentais Paris la nuit, avant et aprĂšs le tournage…

Les Ă©diteurs de livres d’art Cohen&Cohen reversent une somme d’argent aux « Ć’uvres de la Mie de pain » pour chaque livre achetĂ©. N’hĂ©sitez pas, c’est notre moyen Ă  nous « les artistes » de participer Ă  aider.
Nouveau lien internet vers le livre : https://www.cohen-cohen.fr/pages/detail.php?id=18

18 Janvier 2013 https://www.cohen-cohen.fr/au-bord-du-monde-le-livre

Clodosophie

Lorsque je faisais mes maraudes, terme usitĂ© dans le milieu social et que je n’aime pas trop qui voulait dire Ă  une Ă©poque et d’aprĂšs Robert: Vols, larcins commis en maraudant oĂč les taxis qui circulent Ă  vide, lentement Ă  la recherche d’un client et devenu: Parcours effectuĂ© par les humanitaires dans les rues ou les campements des grandes villes pour porter assistance aux personnes qui y vivent. Donc, alors que je rĂŽdais insomniaque, je me remĂ©morais que dans la nuit il y avait quelqu’un un peu sans famille, sans copain. Une personne en manque de quelque chose et ce manque viscĂ©ral l’avait amenĂ© Ă  lĂącher la rampe complĂštement. Un ami mĂ©decin clodologue, Jacques Hassin, me partageait concernant ceux qui deviennent un jour clochard: sorte de phase finale du laisser-aller et que, sans doute, cela venait de la petite enfance, liĂ© Ă  l’abandon profond, Ă  la privation. Mal incurable dont on ne guĂ©rit Ă  priori pas. A t-il dĂ©jĂ  bercĂ© des enfants? A t-il Ă©tĂ© bercĂ© lui-mĂȘme? À leur rencontre c’est moi que je rencontre, un miroir Ă©clatĂ© aux mille facettes, mon frĂšre en humanitude. Patrick Henry, le premier des clodologues, lui, me parlait de digues qui rompent…Toujours une histoire de limites en fin de compte…

Christine avant qu’elle accepte un repas chaud et des boissons chaudes avait besoin d’ĂȘtre mise en confiance. Je lui parlais avec une grande douceur et toute ma sĂ©duction d’enfant comme si nous Ă©tions vraiment trĂšs proches. Histoire de briser ce que les uns pourraient appeler orgueil ou fiertĂ©, de ceux qui n’ont plus que ça et qui malgrĂ© la faim ou la soif qui tiraillent refusent la main, le geste tendu. Il me fallait crĂ©er ce lien privilĂ©giĂ© de cet endroit oĂč le partage est possible, oĂč l’altĂ©ritĂ© n’existe plus dans « l’instant t ». -“Vous me suivez?”…  Il s’agissait en fait de partager ce moment, avec cette « potentielle maman substituĂ©e », en toute normalitĂ©, en confiance sans pour autant confondre les choses, conscient de certaines manipulations
 Pour les clopes, elle ne me faisait en revanche pas de sketchs.

J’ai rencontrĂ© des personnes qui aurait pu ĂȘtre un frĂšre, une sƓur ou un vague cousin, avec qui une quelconque identification est possible et c’est ce que j’ai souvent fait: venir partager quelques victuailles comme si c’était des retrouvailles de toujours. À nouveau: sans mĂ©langer les genres ni les caractĂšres. Lorsque j’étais non loin de l’amie Christine et sans entrer dans une nouvelle tirade sauce psychanaly-farfouille de trottoir, que j’avorte en vous laissant juge de ce quelque chose qui m’avait frappĂ©: la ressemblance de ces deux femmes, l’une Ă©tant ma mĂšre. Oui, mĂȘme les photographes Ă  demi-fou ont une mĂšre…, alors voici Ă  gauche Claude-Elyzabeth Ă  l’ñge de 81 ans et Ă  droite, mon amie de la nuit
 je rajouterai plus tard en bas de cet article quelques autres: genre de sosies avec lesquels nous pouvons tous crĂ©er une quelconque identification
 et Ă  la ressemblance parfois frappante. (Orthographe en cours de rĂ©paration, le sens du jour me semble dĂ©jĂ  y ĂȘtre.)⇣

2009 Claude, aux Abondances…
Septembre 2012 Christine sur sa grille au Jardin des Plantes…

TrĂšs peu de personnes le savent mais dans notre magnifique livre ABDM se sont glissĂ©es deux photographies qui sont encore une autre histoire que celle qui semble racontĂ©e. Toutes les images ont une histoire, certes. Alors voici l’une de ces deux-lĂ  pour commencer. Je ferai bientĂŽt un autre article oĂč je parlerai de la seconde.

Catherine qui dort sous les arcades du Musée du Louvre.

Voici-donc trois portraits d’hommes que j’ai rencontrĂ©s lors de mes virĂ©es auprĂšs des « sans-abri », j’ai un imaginaire bien dĂ©bridĂ© et vous? Je leur trouve une ressemblance avec des personnalitĂ©s connues de toutes et tous, les reconnaissez-vous? ⇣

Sylvain Leser / Le Pictorium – 25/04/2012 – France / Ile-de-France / Paris – Alain, errant dans le RER aux premiĂšres heures de la journĂ©e. – Merde in France –
Sylvain Leser / Le Pictorium – 10/11/2012 – France / Ile-de-France / Paris – Serge, un Parisien de souche, dormant dehors, sur les marches du musĂ©e de la Monnaie de Paris. – Merde in France –
Sylvain Leser / Le Pictorium – 14/08/2012 – France / Ile-de-France / Paris – Didier, un sans-abri esquintĂ©, porte de Choisy au petit matin. – Merde in France –

C’est Ă  vous de me dire, Ă  prĂ©sent…

Un commentaire sur “Christine – La dame de fer đŸ“· âœ…

  1. Bravo Fiston. Je reconnais bien lĂ  ton style parfois dĂ©cousu mais authentique . Tu parles vrai de ce que tu as vĂ©cu de ce que tu ressens, avec tes tripes, tes colĂšres et ton Ăąme que tu refuses de reconnaitre au moins depuis le temps que je te connais. Christine est toujours avec moi dans ma nouvelle demeure et elle ne me quittera jamais. Tu m’avais demandĂ© de choisir une photo lors de l’exposition Ă  Bourg La Reine. Je t’ai dit de suite et parmi les 22 autres: Christine que je comparais Ă  une fleur qui s’ouvre pour des nouveaux jours… Merci fiston et Ă  jamais heureux de t’avoir rencontrĂ©. Sur Bourg La Reine UNE personne a pu ĂȘtre sorti de la rue aprĂšs des annĂ©es de rencontre de discussions d’interventions auprĂšs des gens qui ne voulaient plus se voir. C’est ALEX et je t’en ai souvent parlĂ©. Il est en phase de retrouver un studio avec l’aide de la Mairie, du DĂ©partement et de l’hĂŽpital Erasme d’Antony. L’exposition et la projection du film dans la ville aura au moins servi c’est sur, Ă  une personne… Une rĂ©ussite dont je suis fier car jamais je ne l’ai lĂąchĂ© y compris dans les moments les plus durs, violents. Merci Sylvain…

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