Au Bord Du Monde, le livre
[ Texte en cours d’Ă©criture, repassez dans quelques heures… ]
Un soir de grand froid, il faisait bien – 12° au sol, oĂč nous tournions Wenceslas au viaduc dâAusterlitz, dont je vous reparlerai bientĂŽt, jâavais laissĂ© Claus dans cet entre-deux, pour aller aux alentours rencontrer dâautres personnages pour le film « Au Bord Du Monde ». Lorsque je dis entre eux, ce nâest pas juste : jâinstalle la camĂ©ra pour le cadre intuitivement choisi, Nicolas branche le son et lui reste sans bouger⊠à tout entendre.
Puis je prends quelques distances pour ne pas dĂ©ranger cette intimitĂ©, lâĂ©change se passe entre Claus et la personne. Ce soir je me rappelle avoir Ă©tĂ© chercher des chocolats chauds juste avant la fermeture de la buvette de la Gare, puis de mâĂȘtre Ă©loignĂ© et dâavoir rencontrĂ© Alexandre sous le pont National. Il a tout de suite acceptĂ© de participer Ă cette aventure, celle de nous dĂ©crire son monde, la rue, sa vision du mondeâŠ
Les personnes qui vivent lĂ dehors si on leur porte de lâattention en passant du temps avec eux se sentent parfois en confiance et nous livrent avec authenticitĂ© qui elles sont et ce quâelles ont envie de nous raconter. Ces paroles sont prĂ©cieuses. Le tĂ©moin est trĂšs souvent le bienvenu lorsquâune chose anormale se passe. Les journalistes, les photographes vous le diront, mĂȘme Ă la guerre les victimes et les combattants ont besoin dâeux pour le dire au monde entier. LĂ pourtant ce nâest pas la guerre mais la survie, qui laisse dâailleurs ces personnes avec le mĂȘme besoin, celui peut ĂȘtre de crier sa vĂ©ritĂ©, son coup de gueule, son dĂ©sespoir ou autre, en tout cas dâĂȘtre entendu, vu et reconnu. De ne plus ĂȘtre seul Ă porter un fardeau. De diluer sa misĂšre. DâĂȘtre aidĂ©.
Quâon le raconte avec eux, pour eux, pour nous, pour les autres⊠Sait-on jamais ? quelquâun entendra et fera un pas vers lâautre, câest tout ce qui compte je crois. Je ne me rappelle plus si nous avons commencĂ© Ă le filmer ce soir lĂ , ou si câĂ©tait la nuit suivante. Nous sommes revenus vers lui plusieurs dizaines de fois tout au long de cette annĂ©e, lĂ sous le pont, sous celui de Notre Dame, dans des parkings et je lâai revu par la suite Ă divers soupes nocturnes. On a continuĂ© de parler. Il a vu le film, en Ă©tait trĂšs Ă©mu et fier, mais pareil je ne me rappelle plus dans quelle salle il lâa vu, nous en discutions tous deux Ă la sandwicherie qui est juste en face de lâĂglise Saint-Leu Saint-Gilles qui sert des petits dĂ©jeuners Ă deux pas de Saint-Eustache, qui sert le souper aux sans abri. Dans le quartier des Halles.
Une vie de vagabond Ă Paris et Ă la campagne, rat des villes et rat des champs mâavait-il racontĂ©, il avait vĂ©cu chez le Gitan en forĂȘt et sâen Ă©tait enfui la trouille au ventre. Une vie Ă la Zola Ă la Hugo. Je ne sais pas ce quâil est devenu depuisâŠni lui ni son vieux chien Kaiser. Rappelons nous ses paroles qui nous causent avec ses mots dâun monde de technologie qui avance et des hommes qui rĂ©gressent comme Ă lâĂ©poque des dinosauresâŠ
Ce blog nâest pas ce que vous trouverez dans le livre, câest un moyen pour moi de parler dâeux Ă nouveau. Parfois de raconter ce quâils deviennent et mes pensĂ©es du moment face Ă mes souvenirs de cette pĂ©riode oĂč jâarpentais Paris la nuit, avant et aprĂšs le film. LĂ , ils sont plus seuls que jamais : se sont-ils habituĂ©s, sont-ils Ă lâabri, ont-ils trouvĂ© de la nourriture, de lâeau de la chaleur, dans la merde ? Avez-vous achetĂ© le livre ? Avez vous vu le film ? Cela fera un an quâil est paru dâici quelques jours, je devais leur amener, je ne lâai pas encore fait, jâai arrĂȘtĂ© dâaller les voir au dĂ©but de lâannĂ©e 2018. Je nâen pouvais plus, jâĂ©tais cramĂ© dâĂ©puisement, jâavais trop donné⊠trop dâannĂ©es Ă cavaler dans les rues la nuit Ă faire tout mon possible pour ceux avec qui jâavais crĂ©Ă© un lien fortâŠ
Aujourdâhui comme cette nuit oĂč jâĂ©cris cela, ils me manquent, je pense fort Ă eux et comme je sais quâĂ chaque fois que je reparle de tout ça, les gens vont me demander des nouvelles dâHenri, eh bien lâautre soir Claus me ramenait Ă la maison par le pĂ©riphĂ©rique et jâai scrutĂ© les bas cĂŽtĂ©s et jâai repĂ©rĂ© la couche fraĂźche de lâami, elle nâa pas son pareil, donc je le sais vivant et libre comme il le souhaite. Nous ne sommes pas Ă©gaux devant la pollution, il est vivant. Cela fait 36 ans je crois Ă prĂ©sent quâil vit aux portes du nĂ©ant, dans la poussiĂšre vraiment monstrueuse et des particules lourdes des freins de bagnoles, des tunnels et des axes routiers sordides, ultra bruyant, dans lâinsalubritĂ© la plus totaleâŠmais au chaud, la tempĂ©rature y est quasi constante, hiver comme Ă©tĂ©. Je suis rassurĂ© pour lui, il sâen sort dans ce monde parallĂšle au notre. LĂ ou nous ne survivrions pas nous mĂȘmes.
Nos chers Ă©diteurs Ă qui revient lâidĂ©e et la rĂ©alisation de cet ouvrage, un opus, versent une somme dâargent aux Ćuvres de la Mie de Pain, qui je le sais font un travail exceptionnel depuis toujours mais plus particuliĂšrement depuis le dĂ©but de cette crise inouĂŻe qui frappe les plus fragiles. Il est disponible en ligne depuis le premier jour, le film est inclus avec le livre, vous en avez pensĂ© quoi dâailleursđ ?
Les Ă©diteurs de livres d’art Cohen&Cohen
Publié