Jenny de Manchester đŸ“· âœ…

« Jenny, la SDF inconnue ». Dans l’infernale rafale hivernale, place de l’Etoile.

J’ai rencontrĂ© Jenny au mois d’octobre 2010,. Chez elle Ă  ce moment-lĂ , sur cette grille d’aĂ©ration du RER Charles de Gaulle Étoile, nous regardions parmi les touristes le soleil se coucher et la lumiĂšre de l’Arc de Triomphe se lever. Elle me tape une clope et me demande si moi aussi je crois que c’est un chĂąteau. C’était le dĂ©but de ma quĂȘte picturale auprĂšs des sans abris. Je souhaitais dĂ©peindre l’ambiance de la grande exclusion pour envoyer une sorte de carte postale Ă  GĂĄbor IvĂĄnyi, le cĂ©lĂšbre pasteur hongrois qui Ɠuvre et lutte contre toutes les misĂšres dans son pays. Je nommais cette sĂ©rie d’images « les cloches des monuments ».
Je suis revenu la voir trĂšs souvent, la nuit lorsqu’un Ă©tale s’installe sur la ville. Un moment de calme et de solitude propice Ă  la rencontre… Je passais d’abord lui amener des tiges et du feu puis descendait l’avenue de la Grande ArmĂ©e pour lui apporter une salade tomate oignon sauce mayo, plein de frites et un coca light. Elle Ă©tait loin et parlait : elle voyait des entitĂ©s faciles Ă  imaginer, mais invisibles au commun des mortelles. Je ne sais pas si elle Ă©tait heureuse comme le sont parfois les authentiques perchĂ©s et si sa place aurait Ă©tĂ© mieux dans un quelconque asile… La journĂ©e, elle se baladait librement dans les rues et chez les commerçants du 17Ăšme. Elle prenait soin de son look. Le soir, elle remontait dans sa chambre tout un tas de bricoles pour dĂ©corer sa chambre, lĂ -haut… Il s’agissait pour moi de mettre en lumiĂšre ce qui de loin parfois repousse les passants et reste emprunt de peur et de noirceur, d’aller vĂ©rifier puis simplement de rĂ©vĂ©ler ce qui est beau. Un soir, elle me dit avec un regard profondĂ©ment triste : « Je ne suis pas malheureuse. ».

Je leur demandais Ă  toutes et tous ce dont ils avaient besoin. Et j’ai toujours tout fait pour leur ramener. Avec Jenny hormis les mini-repas de la nuit, elle avait besoin de chaussures, de vĂȘtements chauds, de collyres car ses yeux brĂ»laient, de lunettes de soleil, sans doute la pollution et l’air tiĂšde plus ou moins viciĂ© de la grille, et de bijoux de femme
 Sous la pluie, sous la neige, dans le vent, parfois assise Ă  l’arrĂȘt de bus, Ă©puisĂ©e des intempĂ©ries
 elle faisait sa toilette aux yeux de tous, une intimitĂ© Ă  ciel ouvert : Ça ne respirait pas le bonheur, c’était plutĂŽt bouleversant. Le camion du Samu Social passait la voir, on discutait… Une nuit, un clodo bourrĂ© s’est incrustĂ© et a envahi sa grille. Elle ne savait pas comment faire pour le faire partir, elle se tenait Ă  distance toute penaude. Cette scĂšne m’a envahi d’une tristesse inouĂŻe. Par chance, les maraudeurs s’en sont chargĂ©s et l’ont emmenĂ© (lui) dans un refuge


Au travers de tout ce qu’elle me racontait, il y avait toujours des vĂ©ritĂ©s sur ce qu’avaient pu ĂȘtre son parcours, ses souffrances et ce qui l’avait conduit lĂ , Ă  parfois dĂ©filer au pas, en dĂ©lirant au son des militaires qui bouffent des pommes de terres
 L’hiver lorsque le plan grand froid Ă©tait dĂ©clenchĂ©, elle pouvait dormir au chaud dans les sous-sols de la Paroisse Saint-Ferdinand. C’était un drame pour les accompagnantes de la savoir retourner lĂ -haut dĂšs le mois de mars une fois ce refuge fermĂ©. J’étais trĂšs attachĂ© Ă  elle et inquiet de son sort
 Petit Ă  petit et Ă  force de passer aussi des journĂ©es Ă  l’Église, assise au calme, elles ont rĂ©ussi Ă  lui faire quitter la misĂšre de la rue.

→ https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/photographie/sylvain-leser-photographe-du-paris-des-sans-abri-a-l-eglise-saint-leu_3341809.html? ⏎

Jeni

Jeni lors du tournage d’Au Bord Du Monde en 2012.

Jeni lors du tournage d’ «Au Bord Du Monde» en 2012 Nous nous sommes immergĂ©s avec Claus une annĂ©e dans ce monde, Ă  les rencontrer la nuit, tous ceux que nous avons tournĂ©s ne sont d’ailleurs pas dans le film. Lorsqu’au tout dĂ©but, je lui ai demandĂ©: – On commence par qui ? , il m’a rĂ©pondu: – Jeni. Je lui ai demandĂ© : – Quel style d’images ? – Comme tes photos.»  Nous y sommes allĂ©s pour des essais… qui sont devenus le film
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‘Facebook souvenir’ me rappel Ă  cette publication ce matin.
Je m’apprĂȘtais Ă  Ă©crire ces jours-ci un petit mot sur ce que sont devenues les personnes du film, que j’ai continuĂ© de ‘suivre’ jusqu’en 2018. Quelques infos sont en commentaires concernant JĂ©ni par exemple.(cliquez sur l’image pour les lire).
Voici aussi Ă  nouveau le lien vers le livre Au Bord du Monde
🙂Les Ă©diteurs de livres d’art Cohen&Cohen
Nouveau lien internet vers le livre https://www.cohen-cohen.fr/pages/detail.php?id=18
Note d’intention Chef opĂ©rateur / Photographe
Depuis 2009, je tente de mettre en lumiĂšre la misĂšre urbaine Ă  Paris Ă  travers mes reportages « Merde in France » et « Les cloches des monuments ». Je renomme ces sĂ©ries en 2013 : «Les Autres » , Ă  l’occasion de la 25Ăšme Ă©dition du Festival de Visa pour l’Image. A travers ma façon d’approcher ces hommes et ces femmes Ă  l’aspect parfois repoussant et comme rejetĂ©s instinctivement par la meute quotidienne des gens pressĂ©s, j’essaie de saisir ce que j’appelle mon innocence d’enfant, aller voir l’autre avec cette Ă©nergie naĂŻve, afin de crĂ©er un lien de confiance et de les photographier avec le plus d’humanitĂ© et de respect possible. Mon regard s’arrĂȘte, il est vrai, aux limites de la boĂźte noire, subjective et muette, qui donne Ă  voir et Ă  imaginer, plus qu’à entendre ou comprendre ces ĂȘtres vivants figĂ©s comme dans des tableaux.
Il ne me restait alors que l’expression orale et Ă©crite pour tĂ©moigner de ce que je vis au contact de ces personnes. Au Printemps 2012, c’est une belle rencontre avec le producteur Florent Lacaze et le cinĂ©aste rĂ©alisateur Claus Drexel qui me proposent de faire un film pour le CinĂ©ma avec ces personnages et d’autres que je piste et cĂŽtoie depuis des annĂ©es, chez eux dans la rue. L’intention humaniste qui se dĂ©gage de ces deux hommes et l’engagement que nous mettrons tous les trois (avec Nicolas Basselin notre ingĂ©nieur son) en Ɠuvre va permettre Ă  ce « chef d ‘orchestre » qu’est Claus Drexel de me transmettre certaines facettes du mĂ©tier de chef opĂ©rateur, alors je le guiderai dans la nuit parisienne auprĂšs de ces hommes et ces femmes Ă  qui la parole est Ă  prĂ©sent rendue ou la gestuelle et les mouvements deviennent de la vie. L’ñme des ĂȘtres devient omniprĂ©sente et l’on entend battre le cƓur de cette ville des lumiĂšres. La toile s’est agrandie, la voix rassurante des uns et des autres nous offre la possibilitĂ© de les accueillir avec une curiositĂ© assouvie. Petit Ă  petit l’ñme se livre d’elle mĂȘme, la dignitĂ© de nos frĂšres humains se fait entendre. Le film sort en Janvier 2014, l’accueil de la presse et du public est unanime, une rĂ©ussite totale.
https://next.liberation.fr/cinema/2014/01/21/la-montee-des-marges_974499 

« 15/12/2011 Je suis Jenny de Manchester, nĂ©e Ă  Charles Villes MĂ©ziĂšres… »

«De toutes les idĂ©es prĂ©conçues vĂ©hiculĂ©es par l’humanitĂ©, aucune ne surpasse en ridicule les critiques Ă©mises sur les habitudes des pauvres par les biens logĂ©s, les biens chauffĂ©s et les biens nourris.»
Herman Melville

– REDBURN –
HIS FIRST VOYAGE – (1849).
« Jenny » d’aprĂšs le film « Au bord du monde » de Claus Drexel et Sylvain Leser. Film Ă  voir absolument!
J-C. L : https://www.facebook.com/photo?fbid=371562029635633&set=a.104636929661479
Jeni et Claus au cafĂ© devant la paroisse Saint-Ferdinand de Paris 17Ăšme Anecdote : En fin de tournage, nous retournons voir les personnes afin de leur faire signer les autorisations. Ce jour-lĂ , elle nous a Ă  nouveau surpris, nous nous souviendrons aussi de ça toute notre vie ! D’une main sĂ»re, elle s’est mise Ă  corriger d’une Ă©criture parfaite le contrat cinĂ©ma


Myriam

En France en dehors de l’État, dont c’est la mission, c’est l’Église qui Ɠuvre le plus auprĂšs des prĂ©caires, me confirmait l’un des grands clodologues mĂ©decins hospitaliers du CASH de Nanterre


Ils sont plusieurs des personnages du film Ă  avoir Ă©tĂ© invitĂ© e s au Vatican (comme JB le copain de Pascal) Ă  l’occasion de la premiĂšre journĂ©e mondiale de la pauvretĂ© : En novembre 2016, Fratello conduisait Ă  Rome plus de 3500 personnes de la rue et leurs accompagnateurs venant de 22 pays en Europe dans le cadre du jubilĂ© de la MisĂ©ricorde. Quelques jours plus tard, le pape annonçait la JournĂ©e mondiale des Pauvres. La Fondation Lazare soutient des personnes dĂ©munies en France et Ă  l’étranger pour participer Ă  ce festival international.

Jeni allait parfois Ă  Lourdes avec l’équipe de Saint-Ferdinand, alors qu’elle vivait encore lĂ -haut sur sa grille. Ils et elles l’ont sortie de lĂ .

« De la rue au baptĂȘme ».

[ Le Livre « Au Bord Du Monde » ci-dessous contient en effet les plus belles photographies autour du film, Toutefois ce que j’ai Ă©crit au dessus n’en fait pas partie, (heureusement j’allais dire, ça reste un blog), et c’est la façon dont je vais pouvoir vous parlez avec du recul de ce qu’ils sont devenues… ]

🙂Les Ă©diteurs de livres d’art Cohen&Cohen
N’hĂ©sitez pas une seconde Ă  offrir ce livre trĂšs bientĂŽt, notre Ă©diteur reverse une somme d’argent pour chaque vente aux ƒuvres de la Mie de Pain. Nouveau lien internet vers le livre : https://www.cohen-cohen.fr/pages/detail.php?id=18 ↩

La suite plus tard…



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