Manan de Calcutta 📾 âœ…

L’HOMME ÉLEPHANT DE KOLKATA

J’espĂšre qu’il se porte bien. Je l’ai rencontrĂ© en aoĂ»t 2013 aux abords de la grande mosquĂ©e Nakhoda Masjid, dans le quartier Nord de Calcutta. Nous avions passĂ© une partie de la journĂ©e ensemble. Manan a la cinquantaine, il fait la manche, des petits travaux de couture, vit et dort dans le quartier. Le seul et unique message qu’il m’a fait passer de lui est: « Je suis un pauvre homme ».

– « L’Inde rend-elle fou ou les fous vont-ils en Inde? ».

– « C’est le pays des anomalies Ă  chaque coin de rue ».

– « L’Inde, c’est la vie puissance 1000. Couleurs, sons, odeurs, tout est intensifiĂ©, et tu te prends ça dans la tĂȘte Ă  chaque seconde ».

Des personnes m’ont fait des sketchs concernant cette image, pourquoi le montres-tu? (le monstre tue?)
 Alors je rĂ©pondais avec des titres provocateurs : Bingo ! Ils ne sont que 500 dans le monde Ă  souffrir du syndrome de l’homme Ă©lĂ©phant (maladie de Recklinghausen). Tirer le portrait de son visage bosselĂ© m’apportera-t-il du bonheur? Est-ce simplement un rĂšglement de comptes avec le crĂ©ateur ?!?
Plus franchement, je rĂ©ponds avec toutes mes tripes, je le trouve humble et beau. On me demande aussi si je rĂ©munĂšre les personnes que je photographie, eh bien non, mais je dois ajouter qu’en Inde c’est un lieu oĂč tout le monde met la main Ă  la poche et donne, les pauvres sont nourris par des moins pauvres et en temps qu’EuropĂ©en il est facile d’ĂȘtre gĂ©nĂ©reux.

Je crois que lĂ -bas, personne ne l’a enfermĂ© dans de la honte. Je l’ai vu triste, humble et je l’ai vu rire et sourire. Il ne sera pas soignĂ© mais est-ce dans sa tradition et y a-t-il pensĂ© lui mĂȘme ? Je ne suis pas lĂ  pour parler Ă  la place des personnes qui souffrent d’anomalies de ce type, d’autres le font et le feraient bien mieux que moi, comme celles et ceux qui le vivent * ↓

Il est musulman mais c’est l’Inde son pays et les personnes diffĂ©rentes soufffant de « handicaps Â» se retrouvent souvent mendiants de profession devant les lieux de culte, quelle que soit leur religion. Le regard de la population de la rue sur eux n’est pas le mĂȘme que celui des occidentaux ; il est plus doux. J’en ai croisĂ© des milliers, je leur ai souvent tirĂ© le portrait. Y approcher les personnes et les photographier ne pose pas de problĂšme.

Avec le numĂ©rique aujourd’hui, on peut en plus montrer Ă  ces personnes qui nous ont fait l’honneur de nous confier leur image : le clichĂ© instantanĂ©, un moment fraternel, avec en guise de remerciement partagĂ©, un dodelinement Ă  l’indienne.

Voici un texte sanskrit qui mĂ©rite d’ĂȘtre lu ↓

https://books.google.fr/books?id=5Xm4zVTzdJYC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

En 2019 je suis tombĂ© sur un reportage fait sur l’un des photographes que j’apprĂ©cie le plus, pour son intĂ©gritĂ© entre autre, et nous avons sans aucun doute passĂ© les mĂȘmes journĂ©es, dans ces mĂȘmes rues ↓

A Master at Work: Sir Don McCullin Kolkata

Quelques moments avec Manan → http://sylvainleser.com/fr/portfolio-28739-0-40-lhomme-elephant-de-calcutta.html

comme celles et ceux qui le vivent * ↓

 » L’un se nomme Manan et ne sera jamais ni soignĂ© ni incinĂ©rĂ© : ce n’est pas dans sa tradition et c’est la vie des  Â» sans roupie « . L’autre, quant Ă  lui, a peut-ĂȘtre guĂ©ri de maladies durant sa vie mais la mort n’a point de cure si ce n’est celle de l’ñme. Manan me dit de lui-mĂȘme avec une grande humilitĂ© qu’il n’est qu’un pauvre homme. LĂ  oĂč je l’ai rencontrĂ©, Ă  cĂŽtĂ© de la grande mosquĂ©e de Nakhoda Ă  Calcutta, personne ne l’a enfermĂ© dans la honte : il n’est qu’un mendiant respectĂ© parmi les siens.
À Manikarnika, nos historiens ont beau s’étaler, racontant que la premiĂšre crĂ©mation connue en Inde remonte Ă  1900 AVJC, tout le monde sait qu’ici, cela fait 5000 ans qu’en pratiquant ce rituel sacrĂ©, le Nirvana est acquis. Je ne connais pas le nom de ce dĂ©funt qui flambe dans ce four Ă  ciel ouvert
 Son fils ainĂ© me parle : il m’apprend que son pĂšre Ă©tait un honnĂȘte professeur bien-aimĂ© de tous. La scĂšne est forte. A part ce foyer rugissant, les hommes sont calmes, on Ă©prouve toujours la prĂ©sence de cadavres. Un instinct prĂ©natal nous indique la gestuelle qui s’impose.
Dans ces antichambres, chaque parole est soupesĂ©e avec gravitĂ© s’inscrivant d’elle-mĂȘme dans l’éternitĂ©. Bingo ! Ils ne sont que 500 dans le monde Ă  souffrir du syndrome de l’homme Ă©lĂ©phant (maladie de Recklinghausen). Lui tirer le portrait de son visage bosselĂ© m’apportera-t-il du bonheur ? Est-ce simplement un rĂšglement de comptes avec le crĂ©ateur ? Ce monstre et ce mort n’ont a priori rien en commun, si ce n’est que je vous les montre avec l’arrogance d’un « Ă  qui mieux mieux Â». Cela a-t’il du sens ? Qu’est-ce que cela peut-il vouloir cacher de moi ? Il est temps d’affirmer que l’homme qui me dit que la mort ne lui fait pas peur est Ă  cotĂ© de ses pompes. C’est bel et bien la plus terrible des frayeurs qui soit. Je ne discute pas le fait qu’on puisse l’implorer pour stopper la souffrance !
Je voulais vous raconter une histoire bien plus personnelle, je voulais dire autre chose, une histoire meilleure qui se passerait ailleurs, plus en harmonie avec les fĂȘtes de fin d’annĂ©e. Je voulais sans doute vous montrer un ours. Mais voilĂ  : chacun ses merdes et ses joies. La scĂšne originale se passe en banlieue parisienne, un banal fait divers, au lendemain de NoĂ«l. J’avais passĂ© la nuit Ă  veiller la dĂ©pouille de mon frĂšre gisant la tĂȘte Ă©crasĂ©e et dĂ©formĂ©e sur le tĂ©lĂ©phone dont la ligne Ă©tait coupĂ©e. Il se dĂ©composait bruyamment, l’odeur Ă©tait si collante
 L’ayant dĂ©couvert, je dus rester deux nuits en cage Ă  dĂ©glutir ce mauvais gout, sans sommeil, jusqu’à ce que l’autopsie soit rĂ©glĂ©e. Il ne s’aimait plus depuis longtemps. L’isolement, le rejet et l’égoĂŻsme Ă©taient devenus un cercueil pĂ©tri d’orgueil. Oui je l’avais pris en photo ! Un ami voulant bien faire accompagna ma main Ă  faire disparaitre les nĂ©gatifs de ces images dans un feu de cheminĂ©e. Mon frangin avait passĂ© 20 ans Ă  Calcutta, il Ă©tait professeur de langues. C’est dans le puissant four du pĂšre Lachaise que la crĂ©mation eut lieu. Elle fut suivie d’un lĂącher de cendres quasiment poĂ©tique accompagnĂ© d’un splendide rayon de soleil. Je n’ai pas besoin d’une mĂ©moire d’élĂ©phant pour me remĂ©morer chaque dĂ©tail. J’ai plusieurs clichĂ©s de tranches de ma vie que je n’ai su conserver en images avec les alĂ©as de mon temps. Seule la peinture d’un auteur pourra m’aider Ă  restituer ces visions passĂ©es.
En attendant la toile complĂšte, je photographie les uns les autres, chemins se faisant, avec le plus d’honnĂȘtetĂ© possible. Avec comme prĂ©texte ma propre souffrance en prĂ©ambule. La pĂąte n’est donc pas le fruit du hasard mais viendrait toujours du vĂ©cu propre. Qui y a-t-il au juste derriĂšre chaque photographe, et de quel type de photographie voudrais-je parler ? 
 » https://lamehumaine.com/2020/10/07/memoires-des-trefonds/ & https://lamehumaine.com/2020/10/07/manikarnika-l-inde-a-tue-la-mort/


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